Nathan le Sage de Gotthold Ephraïm Lessing – mise en scène Laurent Hatat
http://www.youtube.com/watch?v=hl0YvHOCn2A
Notes de Laurent Hatat à propos de Nathan le sage
Une fable du vivre ensemble
Avec Nathan le sage se raconte un jour particulier de celles et ceux qui au quotidien vivent ce mélange des races, des religions, des cultures. Que cela soit désiré ou simplement le fait de la vie de quartier. Le quotidien de la Jérusalem de Lessing, c’est celui de Belleville à Paris, de Wazemmes à Lille... Souvent le commerce y tient lieu de première règle de savoir vivre ensemble. Ce n’est pas toujours tendre. Pour raconter cette fable étonnante, nous nous affranchissons d’un supposé carcan classique. Seul nous importe de restituer la force des enjeux contemporains qui animent les personnages de la pièce. Que ressent le jeune marginal dont la foi est minoritaire? Comment agit l’homme croyant qui détient le pouvoir? Que peut faire l’homme modéré, l’homme de la rue, face à la violence du monde?
Questions que Lessing pose pour son temps, et que, modestement, nous reposons pour aujourd’hui. Au delà de sa vision lumineuse de la place juste du religieux, Lessing nous livre un trésor essentiel : le récit du courage de Nathan, le courage individuel comme nécessité pour vivre la rencontre avec l’autre. Nathan le Sage est une pièce populaire. Sans cesse, on y cherche l’autre, sans cesse on y cherche la vérité. L’autre et la vérité de l’autre... Et comment faire avec. Un sujet pour aujourd’hui.
Laurent Hatat
Le père Tralalère Création collective – mise en scène Sylvain Creuzevault, Cie d’ores et déjà
http://www.youtube.com/v/rSO6T45RHmY
http://www.dailymotion.com/video/x9km0j_sylvain-creuzevault-le-pere-tralale_creation
Notes de Sylvain Creuzevault à propos du Père tralalère
Comment aujourd’hui jouer une famille?
Dieu a créé les grands-parents pour qu’ils meurent avant les parents. Parce que les enfants aiment les répétitions générales. Et puis un jour on devient papa et maman et nos enfants se marient et font des enfants. Comment aujourd’hui jouer une famille ? Ça commence comme ça : ce sont les noces de Lise et Léo. Le père de Lise s’est occupé du mariage. Il y a là aussi le frère de Lise, Antoine, le meilleur ami de Lise, Pierre, le meilleur ami de Léo, Lionel et sa femme, Caroline, Benoît, un présentateur de télévision, et Samuel, un employé du père. Tout va bien comme au début d’une pièce de théâtre classique. Puis tout va aller de moins en moins bien comme dans une pièce de théâtre classique. Il y a dans toute famille une espèce de désir narcissique de régler tout avant la mort. Mais – et ce paradoxe en est la matière théâtrale – de régler tout par le désir de mort. La pièce est montée et démontée comme le jouet d’un enfant. Elle s’écrit, comme une famille, de l’intérieur – ici pour nous sur le plateau en improvisation, directement par le corps des acteurs qui font les rôles.
Nous cherchons pour le jeu l’endroit du paradoxe. Un espace dans lequel deux acteurs évoluent et qu’ils cherchent à déséquilibrer pour faire entrer le jeu, l’accident, et qu’ils rééquilibrent en fonction du sens à dévoiler. Le père tralalère est une création collective.
Sylvain Creuzevault
Dehors peste le chiffre noir
de Kathrin Röggla – mise en scène Eva Vallejo et Bruno Soulier
http://www.youtube.com/watch?v=l33kFIWmg9o
Notes de Eva Vallejo et Bruno soulier à propos de Dehors peste le chiffre noir
Un hymne aux oubliés du surendettement
Kathrin Röggla s’inspire d’une série d’enquêtes qu’elle a menées pour saisir et représenter la réalité économique et sociale moderne du surendettement. À travers une multitude de points de vue, elle propose un ensemble de soixante-dix saynètes empreintes d’humour et d’empathie, qui dévoilent l’infinie variété des comportements humains face à l’argent. Par petites touches, elle donne corps et voix aux laissés-pour-compte de la société de consommation: «chômeurs, accidents de la vie, congés maladie, assistés sociaux, victimes du cautionnement, farfadets de la finance, rombières compulsives accros à la VPC, oiseaux de faillite, dynastie d’endettés...»
Nous cherchions cette écriture capable d’en parler sans sombrer dans la leçon de morale, le didactisme le plus ennuyeux ou l’hermétisme le moins convaincant. Nous voulions une écriture vive, inventive, ouverte, distanciée, rythmée, chorale et précise aussi qui, à chaque détour de phrase, nous interpelle avec force. Une polyphonie multipliant les points de vue, les angles d’analyse, les prises de paroles, les personnages et les sentiments. Il y aura donc choralité, synonyme pour nous d’écriture «polyphonique», de mise en jeu d’un parcours individuel et collectif de l’interprète, de glissement d’un «personnage» à l’autre en même temps que réflexion sur la place et la responsabilité de l’individu au sein de la Cité.
Eva Vallejo, Bruno Soulier
La précaution inutile ou le barbier de Séville de Beaumarchais – mise en scène Laurent Hatat
Notes de Laurent Hatat à propos de la précaution inutile
La place de l’autre
«Un vieillard amoureux prétend épouser demain sa pupille; un jeune amant plus adroit la prévient, et ce jour même, en fait sa femme à la barbe et dans la maison du tuteur. Voilà le fond dont on eût pu faire, avec un égal succès, une tragédie, une comédie, un drame, un opéra...» ainsi Beaumarchais voit-il les choses.
Après Nathan le Sage, j’ai décidé de mettre en scène La précaution inutile ou Le Barbier de Séville. Fort de ce travail en compagnie de Lessing, d’une richesse et d’un enseignement qui ont éclairé toutes les étapes de la création, je me tourne donc vers une comédie de Beaumarchais. La passion du drame, voilà le trait d’union qui relie ces deux contemporains en apparence si différents. Et Lessing et Beaumarchais se reconnaissent en Diderot et sa révolution du «genre sérieux». Sous cet éclairage, cette «comédie gaie» luit d’un éclat particulier.
La question de la «place de l’autre», essentielle dans mon travail, s’y inscrit et dans la forme et dans le fond. C’est une comédie en tension, entre l’insolence, la gaieté, la richesse de ses personnages hors-norme et une violence des rapports humains, des réalités sociales. La violence d’une lutte pour l’émancipation, pourtant vouée à l’échec. Je veux rendre au plateau la possible modernité du Barbier. Celle d’une ambiguité fort contemporaine, le double langage des puissants sous le masque du plaisir ; le jeu de dupe d’une promesse d’émancipation toujours réaffirmée et jamais tenue. Un monde où Figaro ne peut que redevenir domestique et où Rosine n’existe que comme épouse. Un monde pas si lointain...
Laurent Hatat